Au procès de La Rumeur, le 3 juin 2008 à Versailles, Maurice Rajsfus, président de l’Observatoire des Libertés Publiques est venu témoigner sur les violences policières.
Le 23 mai dernier, un gitan a reçu plusieurs balles dans le dos par un policier et encore la semaine dernière à St Denis, il y’a eu une fusillade. Il existe une invariance dans le comportement de certains policiers.
Entre 1977 et 2001, il y’a eu environ 196 morts par les faits de policiers, recensés par la presse ; en majorité il s’agissait de mineurs, d’origine maghrébine, des garçons, tués d’une balle dans le dos.
De 2002 à nos jours il y’a eu 80 morts. Cela fait 13 à 15 morts par an. La seule chose que l’on n’apprend pas dans les écoles de police, c’est comment ne pas se servir de son arme.
En 1981, il y’a eu des circulaires dans les commissariats pour éviter les violences policières, et d’autres ont suivi, mais elles n’ont pas eu d’effet.
On a le sentiment que dans le regard des policiers il y a face à eux une population rebelle, suspecte, en particulier quand ils n’ont pas la couleur de la peau bien blanche.
Le policier a le regard très incisif quand il a affaire à une minorité persécutée ou suspectée.
Les bavures policières ne sont pas une volonté de la hiérarchie, on ne sait jamais quand ni qui va sortir son arme.
Quand un policier sort son arme et tire dans le dos, il n’y a pas légitime défense.
J’ai l’impression que les journaux répertorient moins les morts dus aux faits de la police que les agences de presse, qui le font de manière plus systématique.
Il ne suffit pas de sortir son arme pour tuer. Récemment un jeune homme a sauté d’un pont et est mort noyé en voulant éviter la police, un autre est mort en se défenestrant d’un commissariat ; en 2005, deux jeunes sont morts électrocutés en voulant éviter la police.
Il s’agit de bavure par destination. Parfois, en entendant « Ouvrez ! Police ! » des gens se suicident, tellement ils sont terrorisés.
Le 16 juillet 1942 a eu lieu la rafle du Vel d’hiv’ ; ce matin là, des policiers ont pratiquement enfoncé la porte de l’appartement où je vivais avec ma famille, pour tous nous embarquer.
Soixante ans après, il y’a toujours dans le regard du policier la volonté de considérer celui qu’il vient arrêter comme un criminel. C’est le cas avec les sans papiers.
Mon père et ma mère sont arrivé-e-s clandestin-e-s, et au final, ils/elles auront donné un écrivain et une institutrice à la France.
Il faut que les policiers cessent de considérer le reste de la population comme suspecte.
Depuis octobre 1981 la peine de mort est abolie en France. On a toujours pas appris aux policiers à tirer dans les jambes ou dans les pneus.
Concernant le traitement judiciaire des « bavures », le policier n’est pas un justiciable comme les autres, il est assermenté et sera toujours moins condamné.
Dans la police on a le sentiment que les policiers sont très souvent les victimes. Mais les policiers sont armés. Il y’a très peu de policiers tués dans l’exercice de leur fonction. Leur nombre n’a rien à voir avec celui des personnes qui meurent du fait des interventions policières. »
« Pour la police, il n’y a pas de victimes. Rien que des suspects coupables d’incivisme ou de rébellion.
Face à la police, on ne trouve que des “individus” troublant l’ordre public, et qu’il convient de remettre à la raison.
Le policier ne peut avoir tort : il représente la loi.
Lui répondre peut justifier un passage à tabac, lui résister risque de correspondre à un arrêt de mort.
Le policier ignore que la peine de mort a été abolie en octobre 1981. »